Les trottoirs de Paris ne seront plus jamais les mêmes…
Vous l’avez surement entendu, la population parisienne a voté à 90% contre “les trottinettes en libre-service”. Comme nous aimons le faire lors de nos discussions matinales autour d’un café ; nous avons essayé de tirer des leçons de cette actualité, et nous nous sommes demandés si finalement ce rejet n’était pas au fond un problème d’UX ?
L’une des méthodologies de l’UX est de s’intéresser à la source du problème, donc avant toute chose nous sommes interrogés : “Pourquoi Madame Hidalgo a laissé choisir aux habitants de Paris l’avenir des trottinettes électriques ? “
Pour Madame Hidalgo, les trottinettes électriques en libre-services "ce n’est pas écolo", elles sont "trop dangereuses", et leur usage "pas suffisamment encadré". Bref, “un sujet clivant, qui génère beaucoup de crispations pour les Parisiens.”
Aujourd’hui, le modèle économique pour utiliser une trottinette en libre-service est calibré sur une logique de temps d’utilisation. Je paye toutes les minutes que j’ai passées sur la trottinette.
Cette tarification au temps consommé peut inciter les utilisateurs, pour alléger l’addition, à essayer de diminuer au maximum leur durée d’utilisation. Cette course contre-la-montre pousse inéluctablement à une conduite à risque, qui ne respecte pas le code de la route et engendre de gros dangers pour tous les usagers de la route.
En théorie, il faut un casque, mais la trottinette en libre-service c’est du dépannage urbain, qui a envie de se balader toute la journée avec un casque au cas où… ?
Enfin, impossible de ne pas mentionner les trottinettes qui prennent d’assaut les trottoirs, voies de bus, et même les rues à contre-sens, à des vitesse souvent bien trop élevées, générant un pic dans les accidents (graves) avec des piétons ou autres véhicules. D’ailleurs, un utilisateur sur 4 a déjà eu un accident.
Les trottinettes sont-elles plus écologiques ? Pour répondre à cette question de manière plus précise, une étude comparative complète sur tout le cycle de vie des transports parisiens serait nécessaire (de l’extraction des matières au recyclage des éléments), et en incluant bus, métro, vélo, voiture, scooter, etc. Cependant, il semblerait que dans les faits l’usage de la trottinette remplace des moyens de transport à faible impact comme la marche, le vélo ou les transports en commun. Seul 19% des utilisateurs de trottinettes électriques le font à la place d’un mode de transport “thermique”. Difficile aussi d’oublier les repêchages réguliers de trottinettes jetées en masse dans la Seine, ou encore les rechargements et réparations effectués par des véhicules thermiques.
Pour plus d’information sur l’intérêt écologique (ou pas) des trottinettes électriques, nous vous invitons à regarder une vidéo du Monde qui propose un éclairage précieux, chiffres à l’appui : https://youtu.be/BGXSx6PNI3s
Un des avantages de ce type de service est qu'il est possible de garer la trottinette n'importe où (ou presque) dans la ville après son utilisation. Cependant, ce système repose sur une civilité irréprochable des utilisateurs, postulat intéressant, mais qui n'est pas une base solide pour un projet d'espace public. Les répercussions ne se sont pas faites attendre : des trottinettes entassées sur les trottoirs qui empêchent la circulation des piétons, des trottinettes qui débordent sur la route qui gênent les voitures, etc. Sans parler de l’aspect esthétique de nos trottoirs sur lesquels gisent des “tas” de trottinettes abandonnées… le nez dans le caniveau…
Malgré toutes les nouvelles réglementations qui ont vu le jour petit à petit (en mode test & learn), comme l'aménagement de zones de parking, l'interdiction de circuler sur les trottoirs, la limitation de vitesse et bien d'autres, les points noirs n'ont pas été gommés en intégralité et continuent de peser sur les usagers, et les non-usagers.
Si les entreprises de location de trottinettes avaient intégré dès la conception du service toutes les parties prenante du service (pas uniquement les utilisateurs directs), cet aspect aurait probablement été identifié comme un point critique de l’expérience et des solutions auraient pu être prévues. Cela aurait permis de garantir que le projet était viable à long terme.
Lorsque nous avons fait les recherches pour essayer de comprendre pourquoi il y a eu un vote unanime contre l’utilisation des trottinettes nous nous sommes vite aperçus que les désavantages et les irritants de l’expérience trottinette au global concernaient essentiellement les utilisateurs indirects : c’est-à-dire les personnes que n’utilisent pas les trottinettes.
Par ailleurs, les désavantages pour les utilisateurs indirects étant beaucoup plus forts et marquants (désordres dans l’espaces publics, incivilités, accidents graves, etc…) que les avantage pour les utilisateurs (gain de temps assez minime, peu/pas d’impact écologique positif) l’adhésion à ce mode de transport alternatif n’est pas général et donc ne s’inscrit pas dans le savoir-vivre commun. D’où le vote “contre“ ce dimanche.
Les trottinettes électriques en libres-services avaient tout pour plaire et s’intégraient parfaitement dans l’image qu’on se fait de la ville moderne et écologique de demain. Malheureusement, l’ensemble des acteurs n’ont visiblement pas réfléchi leurs services en suivant une méthodologie d’éco-socio-conception qui prend en compte tous les aspects d’un projet.
Dans le monde des trottinette comme dans celui du design : à trop réduire la compétence au produit, et strictement au périmètre du produit, on passe à côté de la partie la plus importante. C’est comme cantonner l’UX au design d’un écran… Le produit s’insère dans un parcours, une expérience multi-facettes, qui a un impact direct et indirect. Un usage, s’intègre (ou pas) dans un contexte, un écosystème, il évolue dans le temps, et s’il est nouveau, chahutera probablement l’ordre établi. C’est systémique.
L’équipe Welcome Max s’est mise dans la peau de futurologues, le temps d’un wrap veggie à la pause dej, et a essayé d’imaginer qu'elles vont être les répercutions de cette “désertion” des trottinettes électriques dans la ville de Paris ?
Scénario 1 : Une augmentation des ventes de trottinettes électriques personnelles. Les usagers les plus conquis par cette solution de déplacement urbain vont acheter une trottinette personnelle pour leurs trajets quotidiens (ils auront un casque eux... mais où stationneront-ils ?)
Scénario 2 : Les usagers vont se déplacer par vélo/scooter en libre-service Attention challenge pour ces acteurs : absorber le pic du nombre d’utilisateurs soudain, suite au vote qui met fin aux contrats entre la Mairie de Paris et les loueurs de trottinettes électriques. (Fin le 31 aout). Une occasion pour les acteurs historiques de la mobilité de développer une solution plus intégrée aux infrastructures, de prendre en compte la règlementation et de s’interconnecter aux offres de transport public comme “Le vélo” à Marseille qui vient compléter “le bus” avec un même abonnement.
Scénario 3 : Les trottinettes vont finir par revenir à la conquête du bitume parisien, mais avec une règlementation beaucoup plus stricte, un modèle économique différent. Et peut-être des usagers plus précautionneux et attentifs au bien-être de leur concitoyens.
Scénario 4 : Un nouveau moyen de transport en libre-service va voir le jour. Une idée ? C’est à vous de nous le dire !