Le NPS fait débat au sein des équipes marketing et UX, une récente étude de Gartner prédit que plus de 75% des entreprises abandonneront le NPS d’ici 2025... Pourquoi ?
Le principal problème est qu’il est souvent utilisé comme mesure directe de l’expérience client alors qu’il n’est pas fait pour ça. Il s’agit plutôt d’un outil visant à prédire l’évolution des ventes. De nombreuses recherches ont d’ailleurs permis de constater une corrélation entre le réachat et la recommandation pour les scores les plus importants.
Plusieurs études ont également mis en lumière un lien entre recommandation et croissance. Ainsi, selon les travaux de Fred REICHHEL, le NPS mesure un attachement à la marque constituant un socle indispensable à sa croissance, un « prescripteur » étant une sorte d’ambassadeur pour la marque, avec davantage de crédibilité aux yeux des autres consommateurs que la marque elle-même. Les expérimentations de REICHHEL & BAIN quant à elles ont révélé un lien entre la progression du NPS et celle des parts de marché dans de nombreux secteurs. Autrement dit, satisfaction, recommandation et croissance sont bel et bien liées. Cependant, le NPS ne mesure pas l’expérience.
Le NPS permet notamment de se comparer par benchmark sur un secteur. Si le nombre de promoteurs augmente, on peut prédire une augmentation des ventes. Mais cela ne veut pas dire que l’expérience offerte par l’enseigne soit bonne.
Par exemple, si je veux absolument acheter telle paire de basket à la mode dans un délai rapide, et qu’un seul site la propose, que signifierait une réponse élevée à un sondage NPS dans ce contexte ? Je recommanderais ce site pour ceux qui, comme moi, ne trouvent pas ce modèle de chaussure et sont extrêmement pressés ? Ou est-ce que je recommande la marque des chaussures ? Le site en soit ? Son offre ? C’est très vague. Pour avoir plus de précision, il faut énormément de volume et… des commentaires permettant d’analyser les réponses obtenues afin de décider si elles entrent dans la collecte et si la note est cohérente avec la déclaration. Si je mets une mauvaise note car mes chaussures Nike achetées sur La Redoute avaient un défaut… dans ce cas, qui est sanctionné par cette note, Nike ou La Redoute ?
Le calcul du NPS est basé sur des études qui ont montré que les consommateurs qui délivrent une note de 9 ou 10 se comportent différemment des clients qui notent 7 ou 8 et encore différemment de ceux qui notent de 0 à 6. Mais cela n’est pas toujours vrai, ni pour tous les secteurs. Et, si ce n’est pas le cas, le calcul du NPS ne constitue alors pas un indicateur avancé de la réussite financière. Le mode de calcul et la promesse du NPS sont séduisants par leur simplicité, et ont donc conquis les décideurs de nombre d’entreprises internationales qui, de manière trimestrielle, voient évoluer leur potentiel financier, car ne l’oublions pas, c’était bien l’objectif de l’indicateur.
Fait important à avoir en tête, l’article fondateur du NPS est très long et date de 2003. Amazon fait sa première vente en 1995, E-bay en 1999, 2003 c’est le lancement du iTunes Store d’Apple, autant dire que les balbutiements du e-commerce n’étaient pas au cœur des préoccupations des marketeurs de l’époque lorsque le NPS est sorti.
Son application pour améliorer l’UX d’un dispositif pose de nombreux problèmes que les maîtres de l’UX ont déjà mis en lumière. Voici une synthèse en 5 facteurs qui remettent en question l’usage du NPS pour mesurer l’expérience client.
A la création du NPS, après une vingtaine de tentatives (entre 2000 et 2003) pour trouver la bonne question, la formulation autour de la « recommandation » s’est avérée être la plus fiable (que la satisfaction, ou l’intention de réachat) pour prédire les résultats financiers sur un an. L’auteur insiste sur la comparaison face aux concurrents ; en effet si leur NPS progresse autant que le votre, vous ne gagnez pas de parts de marché et vos revenus n’augmenteront pas de manière significative.
« Quelle est la probabilité que vous recommandiez l’entreprise X à un ami ou un collègue ? »
De nos jours, la réponse peut varier selon le moment où la question est posée (je viens juste de commander un produit, je n’ai pas été livré, ai-je envie de recommander le site à cette étape ?). De plus, cette question se base sur une potentielle future action. C’est très abstrait, ce qui intéresse les experts UX ce sont les usages, les faits établis plus que le déclaratif hypothétique.
L’échelle du NPS va de 0 à 10. Cela fait beaucoup de nuances, et leur compréhension est finalement peu objective : Un client moyennement satisfait, donne-t-il un 5, 6 ou un 7 ? Vous le verrez avec le NPS ça change tout…
« Le NPS est l’un des indicateurs de performance les plus courants dans le monde, mais il échoue systématiquement à fournir des informations exploitables aux responsables du service client et de l’assistance »
Deborah Alvord , analyste chez Gartner Inc.
Le NPS n’utilise pas les moyennes, il soustrait les neutres avec l’idée que les détracteurs doivent devenir des promoteurs. Imaginons que vos clients mettent une majorité de note entre 5 et 6, la moyenne obtenue ne sera pas 5,5, mais — 40, ce qui apparaît franchement négatif alors que 5,5 n’était pas si mauvais… Pour obtenir une donnée fiable à analyser, cela nécessite un grand nombre de répondants. Or, sur une audience fragmentée, sur une fonctionnalité particulière ou sur un nouveau service, il y a de grandes chances que la marque n’ait pas assez de répondants pour disposer d’un indicateur fiable statistiquement (du fait de son mode de calcul). De plus, comme nous l’avons vu plus haut, des commentaires sont nécessaires pour pouvoir interpréter la réponse, or la plupart du temps ce n’est pas possible.
Le NPS ne distingue pas un 0 d’un 6. Autrement dit, si un client note 0 lors d’une première expérience et 6 lors d’une seconde, cette progression, bien qu’elle soit conséquente, ne sera pas visible. Le score restera le même (-100) Il ne permet donc pas d’aider les équipes UX et PO, à mesurer les améliorations qu’elles peuvent apporter à une expérience. Il permet de récolter un état émotionnel, qui n’est utilisable que dans ses extrêmes (les promoteurs et les détracteurs)
Il faut garder à l’esprit que le NPS est un indicateur synthétique. Il renvoie à un chiffre abstrait qui peut avoir diverses significations. Par exemple si 100% de vos répondants vous notent à 8 (pas mal !), vous avez un NPS de 0 (logique et motivant n’est-ce pas ?). Comme l’explique le point précédent, cet indicateur ne permet pas de mettre en lumière la progression de l’expérience proposée. Or, si les managers ne voient pas de résultats, pourquoi continueraient-ils à investir dans l’amélioration de l’expérience ? Des décisions basées sur le NPS uniquement pourraient mettre fin à des projets, à des équipes… qui améliorent pourtant l’expérience client.
Si le NPS peut être considéré comme un indicateur financier, il est peu pertinent lorsqu’il est question d’UX/CX même si les réponses recouvrent un caractère émotionnel, il n’est pas fait pour ça. Aussi, il existe d’autres indicateurs permettant de mesurer l’expérience dans différents contextes :
Le CSAT (Customer SATisfaction score), par exemple. Très simple, il consiste à évaluer la satisfaction directe moyenne, à chaud… vous savez les étoiles et les smiley que l’on retrouve chez Decathlon, dans certains restaurants ou dans les toilettes des aéroports ? Idéal pour mesurer l’efficacité de l’expérience à un instant T.
Le CES (Customer Effort Score) mesure quant à lui la facilité (essentiel en utilisabilité/ergo). Il est surtout utilisé sur les items liés aux parcours et fonctionnalités. Il permet de mesurer l’effort du client pour atteindre son but. Cependant, l’échelle utilisée est inversée par rapport aux évaluations habituelles, ce qui la rend complexe à déployer aussi bien par téléphone qu’à communiquer en interne (le taux moyen est en général autour de 2 à 2,1 ce qui ne correspond pas à un standard, et 1 est la bonne « note » et 5 la mauvaise).
Le CXi (Consumer Experience Index — proposé par Forrester) apparaît comme l’indicateur le plus récent et le plus puissant. Il cherche à pallier les difficultés du CES en construisant un indicateur qui duplique le modèle du NPS (% facile — % laborieux — en résumé) et le cumulant au CSAT, afin de mesurer la totalité des dimensions de l’expérience mais avec une échelle de 5 . Voilà un indicateur beaucoup plus simple et concret pour les clients comme pour les collaborateurs, et qui cumule NPS CSAT et CES.
Mais attention, pour faire évoluer la qualité de l’expérience, vous devez associer ces datas à un contexte client/utilisateur. Sans commentaires à analyser, la plupart des outils d’analyse de l’expérience restent peu efficaces pour savoir comment optimiser l’expérience. Une récente étude de Forrester (2021) on apprend que : 71 % des entreprises éprouvent des difficultés à capturer et à analyser les données numériques relatives à leurs clients afin d’améliorer la prise de décision immédiate. Près de la moitié (48 %) des répondants ont indiqué que les technologies dont ils disposent actuellement n’étaient pas efficaces pour leur permettre de comprendre de manière granulaire chaque groupe ou segment correspondant à un type de comportement client. Des interviews et des tests UX (test et observation direct des clients) permettent d’obtenir une réelle compréhension de l’expérience proposée par la marque et de faire parler ces données. Comme quoi les questions d’expérience client restent une question émotionnelle que les chiffres seuls ne peuvent aider à résoudre.